Gamarra a créé des signes : monochromes, calligraphies, reliefs, textures aux couleurs sombres, à fort impact visuel. L’artiste explique le processus pour arriver aux signes :
« J’ai commencé à manipuler un plan, un support matériel et les panneaux. On pourrait dire que j’ai pris ce jeu de la matière de l’art informel, en appui de ce que je voulais donner à lire, qui étaient les signes. C’étaient des signes inventés, mais liés aux premières cultures de ma terre. Ce que je fais, c’est un mélange de symbolisme et de peinture d’Amérique. J’utilise une palette aux nuances de noir, de marron et de blanc, mais avant le travail, l’homme disparaît, il ne reste que le tissu vierge et un besoin de dire des choses inexplicables. Parce qu’expliquer est contradictoire ; par conséquent, ces œuvres n’ont pas de titre, seulement des chiffres. Ce ne sont que des peintures.
J’ai toujours cherché une forme d’expression propre, assimilée aux premières sources d’une culture latino-américaine par une symbolique essentiellement plastique. Les signes et symboles que j’inscrivais dans mes tableaux espéraient autrefois raconter et révéler, dans une harmonie silencieuse de couleurs et de formes, l’histoire singulière et les énigmes des civilisations anciennes : mythes ou réalités, pour pouvoir les recréer dans une sorte d’écriture naïve, primordiale et révélatrice. Ces vieux symboles – roues solaires, poissons, oiseaux, fruits imaginaires – ont ensuite commencé une lente métamorphose. Je les voulais plus éloquents et plus clairs dans leur langue. Ils sont devenus une sorte de jouet sérieux qui cherche à expliquer, à transmettre des messages ; ils se sont transformés et ont évolué dans un ensemble de sens différents.
La nécessité du réel commence à se manifester comme un appel inéluctable, la transition naturelle et la volonté lucide d’assumer un certain moment historique. Les événements de ces dernières années en Amérique latine ont produit de profonds changements, des bouleversements dans tous les domaines. Touché en tant qu’artiste, je ne voulais pas échapper à ces réalités. Les changements singuliers qui ont déplacé ces mondes, les différentes formes de dépendance ont exigé que je pense, ressente et agisse dans ce que je fais, avec à la base une recherche qui mène à une expression authentique et inhérente à ces peuples. Un retour à la nature, oh combien punie. Cela m’est apparu essentiel et indispensable à sa survie. C’est ainsi que j’en suis venu à mes premiers paysages : les montagnes, les palmiers, les grands hauts plateaux couronnés par d’immenses ciels, la jungle mystérieuse et inconnue, les machines, les hommes …
Encore une fois, mes anciens symboles ont inventé une nouvelle anatomie, plus réelle et plus spécifique, à la recherche des moyens de parvenir à la communication la plus large. Provoquer l’imagination, provoquer la découverte de réalités pressantes d’indications dénonciatrices, aider au développement d’un goût authentique et légitime. Chercher à ce que la majorité apprenne à percevoir, qu’elle soit capable de cultiver et d’affirmer sa sensibilité et sa capacité d’appréciation. Savoir observer le monde qui nous entoure, en boire les sources des idées et de la création à travers un langage intelligible et généreux, devenant ainsi son narrateur ».
José Gamarra